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Sigmund Freud

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Le mot psychanalyse, apparu en 1896 sous la plume de Sigmund Freud, ne désigne d’abord qu’un mode d’exploration de l’inconscient. Il devient ensuite une technique thérapeutique, puis une nouvelle théorie du psychisme humain, fondée sur l’idée d’un inconscient dominé par la pulsion sexuelle.

L’invention de la psychanalyse s’est déroulée durant les années cruciales qui vont de 1896 à 1900.Sigmund Freud a toujours aimé se présenter comme un génie solitaire, explorateur d’un nouveau continent qui s’est dévoilé tout à coup sous son regard. Les historiens de la psychanalyse ont depuis largement corrigé cette image en montrant les influences qui ont joué dans sa découverte, et la part de construction personnelle dans l’analyse de ses cas. Dans l’élaboration de la psychanalyse, trois sources principales ont été mises en lumière.

• L’autoanalyse. C’est de l’introspection, revendiquée explicitement par lui, que Freud tire d’abord ses principales intuitions. La science des rêves commence d’ailleurs par l’analyse d’un rêve personnel (l’injection faite à Irma). Il entreprend, à partir de 1895, l’analyse systématique de tous les siens, notamment celui réalisé à la mort de son père, en octobre 1896. En août 1897, il écrit ainsi à son ami Wilhelm Fliess : « Mon principal malade, celui qui m’occupe le plus, c’est moi-même. » C’est également au cours de son autoanalyse que Freud émet l’hypothèse du complexe d’Œdipe, comme il l’explique à W. Fliess, le 15 octobre 1897 :« J’ai trouvé en moi des sentiments d’amour envers ma mère et la jalousie envers le père, et je pense maintenant qu’ils sont un fait universel de la petite enfance. Si c’est ainsi, on comprend alors la puissance du roi Œdipe. » Le 12 juin 1900, il lui écrit encore : « Penses-tu vraiment qu’il y aura un jour, sur la maison, une plaque de marbre sur laquelle on pourra lire : “C’est dans cette maison que le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr Sigmund Freud ?” »

• Les observations de patientes sont la deuxième source de la pensée freudienne. Mais ces cas ne parlent pas d’eux-mêmes. Freud les fait parler. À partir de tableaux cliniques très différents (des maux de têtes aux hallucinations olfactives en passant par les jambes douloureuses), Freud pense trouver une origine unique : l’hystérie. Il y voit à chaque fois l’expression de pulsions sexuelles refoulées. La lecture des comptes-rendus des récits de patientes, retranscrits par Freud, montre que les histoires sexuelles sont loin d’être des déclarations spontanées. Freud insiste beaucoup pour amener les patientes à trouver de tels souvenirs, et constate de nombreuses « résistances ». Des historiens comme Louis Berger, en reprenant les premiers cas traités par Freud, ont montré qu’il ignore délibérément d’autres faits apparaissant dans leur histoire, comme des deuils récents ou de graves conflits familiaux. Il est par ailleurs avéré que Freud est loin d’avoir guéri (voire rencontré) tous les patients qui lui servent pourtant à illustrer ses succès thérapeutiques.

• Les influences théoriques. L’élaboration de la psychanalyse ne peut se comprendre uniquement par l’autoanalyse et les observations cliniques. Elle s’alimente également des idées qui circulent à l’époque autour des notions d’inconscient, de névrose sexuelle, de moi divisé : c’est la troisième source à laquelle s’alimente Freud. Car au tournant des XIXe et XXe siècles, l’idée d’inconscient n’est pas aussi originale qu’il y paraît. Avec des sens différents, le mot « inconscient » a fait son apparition chez les philosophes allemands comme Carl Gustav Carus (1788-1860) ou Edouard von Hartmann (1842-1906), qui a publié en 1868 sa Philosophie de l’inconscient. Des psychologues comme Pierre Janet (1859-1947, article p. 30) utilisent une notion voisine comme celle de « subconscient ». Avant Freud toujours, Theodor Lipps (1851-1914), professeur de psychologie à Munich, est le véritable introducteur de la notion d’inconscient en psychologie. Freud fusionne l’idée d’inconscient, alors en vogue, avec celle de névrose sexuelle : il construit pour cela un modèle énergétique du psychisme, dont beaucoup de matériaux sont d’ailleurs empruntés à Gustav Fechner, comme il le reconnaît lui-même.

Comme tout découvreur scientifique, Sigmund Freud s’inspire donc des idées de son temps et les travaille à sa manière. Il n’y a là rien d’anormal. Tout processus de création naît d’une réélaboration, d’une synthèse, d’une reconfiguration à partir de matériaux existants. L’étude de la genèse des idées freudiennes s’écarte ainsi autant de la légende du « génie solitaire », que du « modèle de l’influence » qui voudrait que Freud ne soit qu’un produit de son époque

 

Freud et la sexualité

À l’époque où Sigmund Freud élabore sa théorie de l’inconscient sexuel, l’idée d’inconscient est dans l’air du temps. Le rôle de la sexualité aussi. Le lien entre hystérie féminine et sexualité est une vieille idée, qui remonte aux Grecs (hystérie et utérus ont la même racine). Jean Martin Charcot a déjà suggéré la possibilité d’une origine sexuelle de l’hystérie.
Dans les années 1890, le thème de la sexualité dans les troubles psychiques associés commence à prendre de l’importance. Les études sur les pathologies sexuelles se sont beaucoup développées, notamment depuis la parution de Psychopathia Sexualis de Richard von Krafft-Ebing (1886). En 1887, Alfred Binet crée le mot fétichisme. En Angleterre, Henry Havelock Ellis publie ses nombreuses Études sur la psychologie sexuelle. À Vienne, au tournant du siècle, la question de la sexualité n’est pas aussi taboue qu’on le croit : le thème est abordé dans la littérature par l’écrivain Arthur Schnitzler, médecin viennois comme Freud.
Par ailleurs, Wilhelm Fliess, oto-rhino-laryngologiste installé à Berlin, ami et confident de Freud, menait comme ce dernier des recherches sur les troubles hystériques. Il a même forgé une curieuse théorie de névrose nasale, selon laquelle les troubles localisés au niveau du nez trouvent leur origine dans la sexualité. Nul doute que Freud s’en voit influencé, même s’il développe ses propres conceptions (Esquisse d’une psychologie scientifique, 1895).

Achille Weinberg

Oedipe, de sa naissance à sa crise de croissance

En 1897, alors qu’il a entrepris son autoanalyse, Sigmund Freud se souvient de certaines scènes de son enfance au cours desquelles il éprouvait de l’hostilité à l’égard de son père, et une attirance jalouse pour sa mère. Il déduit de son exemple unique avoir découvert le complexe d’Œdipe, qu’il défendra toujours comme le socle théorique de la psychanalyse. 
Les années suivantes, il récolte consciencieusement, auprès de ses patients adultes, tous les éléments susceptibles de confirmer sa théorie sur la sexualité infantile. C’est en 1909 seulement qu’il se risque, pour la première et unique fois, à vérifier l’existence du matériel œdipien directement auprès d’un enfant, le petit Hans, pseudonyme d’un certain Herbert Graf. Celui-ci étant terrifié à l’idée de se faire mordre par un cheval, Freud conclut que conformément aux prédictions de sa théorie, l’enfant désire secrètement sa mère, et se voit donc soumis à une angoisse de castration. Le maître refuse de tenir compte d’un fait plus prosaïque : Hans développe sa phobie depuis que des chevaux se sont écroulés devant lui, lors d’un accident d’omnibus… Arguant que seul un proche peut recevoir des confidences valables émanant d’un enfant, Freud n’a pas assuré personnellement l’analyse, préférant la déléguer au propre père de Hans, qui n’était pas psychanalyste.
L’universalité du complexe d’Œdipe est rapidement contestée par certains anthropologues : Bronislaw Malinowski, dès 1927, le considère ainsi comme valable uniquement dans les sociétés patriarcales. La controverse persistera tout au long du xxe siècle, Œdipe étant progressivement considéré, par les psychanalystes eux-mêmes, comme une référence toute théorique.



05/10/2013
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